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Paris-Tokyo-Paris

 

Deuxième Partie

 

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Oui, ici, maintenant, au delà et en deçà du point de départ. Sur deux lignes... Comprendra qui voudra faire l'effort de comprendre. Ainsi donc, dans cet avion qui avance vers Tokyo, le sommeil de ce bébé qui dort dans les bras de sa maman, assise sur le siège à côté du mien, ne s'est pas altéré. Une berceuse et des bras protecteurs lui ont suffit pour anéantir les effets du décalage horaire; la nuit Paris-Tokyo est courte, la berceuse terminé voici le chant d'un coq imaginaire qui perce, déjà, mes oreilles mais le sommeil du bébé ne s'est pas altéré. Onze mille mètres d'altitude; moins quarante-sept degrés à l'extérieur....

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d'une ligne

à l'autre...

Oh collines, vallées et ruisseaux brouillards et rosées. Oh rivières! Ne vous inquiétez pas de mon manque de sommeil, voulez- vous savoir quelle est la force mystérieuse qui m'attire vers vous aux heures les plus avancées de la nuit? Voulez-vous?... Oui? Alors il va falloir que je pose une question à cette personne que vous et moi voyons là-bas au bord de se lac argenté, en train de faire semblant de bronzer sous la lueur de la pleine lune...Psst...Psst... Dis-moi quelle est la main occulte qui lubrifie les gonds de ce vieux portail? Oui, les gonds du vieux portail de ce monastère qui nous tient lieu de gîte, pour rendre inaudibles leurs grincements séculaires quand tu viens me chercher sur la pointe des pieds échappant ainsi aux regards inquisiteurs... Oui, toi, puisque j'ai di quand tu viens me chercher sur la pointe des pieds, et que nous nous perdons volontairement pour mieux nous retrouver, là haut, sur le plateau de la colline où nous sommes attirés, irrésistiblement, chaque nuit, par ce champ de seigle qui danse, mu par le vent, sous les chemins étoilés de la Voie Lactée... et vous non plus mes bons et chers amis, ne vous inquiétez non plus de mon manque de sommeil. Je sais trouver le genre de repos, la nourriture qui convient à mon corps quand le besoin se fait vraiment sentir, et puis... Devinette: Savez-vous quelle est la différence, en quoi diffèrent-ils un bon et un mauvais sorcier?...

Narita !

Géniales tes trois lignes et ta devinette! Je ne me suis pas rendu compte de l'atterrissage! Nous sommes au Japon, nous venons d'aterrir à Narita!... Alors, en quoi différent-ils tes deux sorciers?... Ah bon? Tu crois aux sorciers?...

Tokyo... Disons, une gare de Tokyo, mais pas la gare de Tokyo... Shinjuku?... Peu importe, une gare, énorme. Avec des milliers de personnes qui se croisent, dans tous les sens. Comme dans toutes les grandes gares partout dans le monde. En faisant semblant de ne pas regarder... Je ne parle pas de ceux qui sont pris en flagrant délit de regard, non, je parle bien de ceux qui font semblant de ne pas regarder. De tous ceux dont la fixité et le vide apparent, et je dis apparent, de leurs regards, font croire à ceux qui les regardent, qu'ils ne les regardent pas; car ici comme ailleurs on n'aime pas que les autres s'en aperçoivent que nous les regardons.Alors, moi aussi je veux bien faire semblant de ne pas regarder. Ai-je besoin de me déplacer de dix mille kilomètres pour constater qu'au bout de chaque voyage on cherche toujours le même regard, celui-là même, justement, dont la fixité et le vide apparent va nous dire en silence qu'il est prêt à devenir l'accompagnateur de notre solitude?

Non, pas besoin, car le regard de celui qui voit quand il regarde sait apercevoir, ici et ailleurs, la lueur du cristallin désireux de se greffer dans les yeux qui les regardent... Il y a longtemps, très longtemps que tu sais que mes yeux ne voient qu'à travers la limpidité du cristallin des tiens; c'est pourquoi je m'accroche inlassablement à ta main comme un enfant, les yeux fermés, trébuchant souvent, me relevant toujours, car, toujours accroché, comme un enfant, à ta main... Jusqu'au jour où tu me lâcheras dans la plus grande indifférence, sans aucune hésitation, dans la fixité de mon regard... jusqu'à l' extinction total de la lueur du cristallin. Non, je ne dirais pas ton nom, même si parfois je peux laisser croire que je parle de, ou à quelq' un d'autre. Moi, je n'ai aucun doute je sais très bien de qui, et à qui je parle. Reçois ici, secrètement, entre toi et moi, mes remerciements les plus sincères...

Pourquoi me regardes-tu comme ça alors que le lait du sein de ta jeune maman inonde généreusement ta petite bouche gloutonne? Regarde, tu viens de mettre à nu cette partie si délicate du sein maternel par où jaillit la blancheur du liquide nourricier. Tu m'as reconnu? Si ça en est le cas, ne dis rien à personne, continue à téter afin que ta maman soit réconfortée dans sa pudeur et laisse-moi prendre place sur ce compartiment du train qui nous mène à Yamagata, quatre cent kilomètres au nord de Tokyo...Il m'est arrivé à l'instant de croire que je suis encore sur la première ligne, à côté de toi, caressant ton petit pied nu, alors que ta maman essuie délicatement tes babines et que tu pleures maintenant parce que, pour sauvegarder sa pudeur, elle à remplacé l'extrémité rosée de son sein parfait par cette ignoble tétine en latex que tu viens de cracher. Non. Il m'est arrivé à l'instant de croire, disais-je, que j'étais sur la première ligne, à côté de toi dans le train, caressant ton petit pied, alors qu'en réalité me voici épuisé de fatigue par le voyage, allongé à côté de cette rizière sous les mêmes chemins étoilés de la même Voie Lactée que ceux qui baignaient les champs de seigle, autre fois, également sur la première.

J'aime bien comme tu t'y prends pour inonder le monde de tant de mystère; je ne me lasse pas de dire et de le faire savoir, maintenant que tu le sais et que je le crie aux quatre vents, que j' aime me laisser prendre dans le filet de la diversité de tes trois lignes: Où ai-je entendu déjà pleurer cet autre enfant, à Charles de Gaulle ? Dans l'avion? A Shinjuku? Dans le train Tokyo-Yamagata? C'est moi, l' enfant qui pleure? Non, ce n'est pas moi qui pleure c'est comme l'écho de la voix d'un enfant qui pleure, là bas au loin sur la première ligne; mais que vient-elle faire la musique de son chagrin, ici, à Oguni, où je viens d'arriver?... Peu importe qui tu sois. Viens avec moi bébé inconnu, on va regarder les étoiles; tu vas me dire avec ta parole innocente si les constellations sont toujours à leurs places. J'ai besoin en cet instant qu'on me raconte de belles histoires. Moi aussi j'ai besoin de croire que les choses peuvent être aussi belles que nous pouvons les imaginer; peut-être tu pourras m'aider à ne plus penser aux songes. Profites-en car ce n'est toujours pas le cas où je suis disposé à me laisser les raconter, les histoires...

Trop tard. Tu me raconteras ça une autre fois. Est-ce un hasard si je me trouve là, aujourd'hui, maintenant, en cet instant même où l'estampe japonaise, couleur et format nature, est devant moi avec pour toile de fond les collines qui entourent la scène de théâtre Nô? Encore sur la première ligne, mais toujours sur la deuxième, l' harmonie des bruits nocturnes mélangés au bruissement du petit torrent sur lequel des pilotis en bois soutiennent la scène de ce théâtre me parlent dans une langue connue.

Partout la même vibration, le même langage, celui qui s'en passe aisément de la parole, celui qui parvient toujours à moi lorsque je me laisse envahir par le bruit du grand silence , qui me pénètre, et que dirige mes pas là où je sais que tu m'attends.

Car c'est là,

quand je suis avec et dans toi,

que la vie bruit avec la même intensité ici qu'ailleurs.

Donc, encore sur la première mais impossible d'être ailleurs que sur la deuxième, dans ce bus, de retour d'une fête sportive organisée par le comité culturel de la Ville, j'ai entendu un rire. Toujours les mêmes blagues. Peut-on déceler dans un rire ce qu'il y a en lui de vrai ou de faux, de sincère ou hypocrite? Le rire qui parvient jusqu'à moi est faux et sort de la bouche d'un hypocrite, d'un faux ami. Heureusement le Maître est là, blotti dans son silence réconfortant et que mon âme est ailleurs, de l'autre côté de la vitre poursuivant du regard le vol d'un de ces énormes corbeaux présents partout au Japon; tout mon être est dans ces forêts qui défilent ou tournoient devant et autour de moi; dans ces touffes d'arbres s' emboîtant les unes dans les autres comme un ballet silencieux de fantômes verts.

Oh collines qui défilez devant moi!

Ah forêts d' Oguni!

Ah brumes chargées de mon chagrin,

venez à ma rescousse!

Etouffez avec le bruit de votre silence cette autre chanson qui m'est imposé à l'intérieur de ce bus alors que je ne veux rien d'autre que faire un avec vous; j'ai faim de la musique qui bruit devant moi, qui coule et sautille de sommet en sommet et on offense mes ouïes avec le rabâchage d' une chanson occidentale, belle oui, mais hors contexte. Les distorsions auditives qu'elle provoque en moi sont plus douloureuses que les mille morsures de ces insatiables mouches qui assaillent les parties de mon corps non immergées dans les eaux cristallines de cet autre torrent tumultueux, maintenant, dans lequel je me suis jeté en arrivant pour effacer ce mauvais souvenir. Les tentacules de tes trois lignes me serrent contre toi, je reste là, immergé sur ce torrent aussi longtemps que la capacité de mes poumons me le permettent. Pour entendre une autre musique; mais aussi, afin d'échapper aux assauts de ces bestioles voraces, avides de mon sang... Le soleil vient de se coucher; les mouches disparaissent remplacées par des nuées d'énormes papillons. Cette fois-ci je nage calmement. Je ne suis pas pressé d' atteindre l'autre rive; le torrent m' emporte mais ne m'avale pas; j'apprends peu à peu, petit à petit tout doucement, comment faire pour être seul, avec toi. Immobiles. Comme tu me l' as appris; percevant dans sa totalité, les trois lignes du torrent se distendre, comme s'il s'agissait de la "Grande Flaque" et couler, en une et unique ligne, inexorablement, vers le Pacifique...

Vieil et bel arbre, je n'ai pas fait couler ta sève en t'infligeant une blessure de plus; je n'ai pas gravé mon nom ni la date de ce jour sur ton écorce; tel ces étoiles filantes qui apparaissent et disparaissent sur ce bout de ciel qui surplombe le tertre, maintenant, mon passage devant toi n'a laissé aucune trace. Mais je me souviens de toi; la nuit n'est pas froide. Blotti contre toi sur l'herbe, je m'endors... A SUIVRE...

PRE-CONCEPT(II)European Parallel Music Essai symphonique"FÜR H" by Parallel One

First Part, english version Paris-Tokyo-Paris

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